Dans l’opuscule Prière et musique, du dominicain connu, le Père Sertillanges (éditions Spes, sans date, vers 1944), voici ce qu’on peut lire, qui vient encourager les efforts des chorales liturgiques (c’est-à-dire, des chorales qui ne négligent pas le chant liturgique par excellence qu’est le chant grégorien) :
 
« Unie à la parole liturgique, la musique sacrée peut vraiment se ranger parmi les choses sacramentelles, les sacramentaux ; elle en a la dignité ; elle en joue le rôle, qui est celui d’un symbole actif.
 
En elle-même, dans cet emploi, elle n’est qu’une aide de la grâce, une introductrice lointaine, l’introductrice prochaine étant la prière. Mais ce n’est guère que par abstraction qu’on peut ici distinguer. La musique religieuse n’est pas un accessoire ou un agrément extérieur ; c’est la vie même de la prière prenant sa forme complète ; elle est liée à la parole comme la parole à la pensée, la pensée à l’âme et l’âme à l’Esprit-Saint.
 
Aussi - et c’est une contre-épreuve dont il faudra se souvenir - quand il arrive que la musique vienne troubler la prière, elle la trouble profondément, parce qu’elle lui est intérieure et fait corps pour ainsi dire avec elle : d’où les précautions et les sévérités de l’Église, d’où ses choix. Mais pour la même raison, la musique bien adaptée à la prière renforce la prière dans son essence. Elle-même prie.
 
On relève dans saint Thomas un corollaire assez inattendu à cette doctrine. Saint Thomas trouve « probable » qu’il y aura au ciel une louange vocale (laus vocalis), comme il y aura en enfer un blasphème vocal (vocalis blasphemia) (IIa IIæ, q. XIII, art. 4). Et peut-être un incroyant penserait-il sourire ? Dante préfère adopter l’idée, à la gloire de l’art et à la satisfaction d’une philosophie complète. S’il a raison, la musique religieuse, pour sa part avant-goût du ciel, doit pour sa part aussi donner le goût du ciel, y entraîner par un naturel mouvement ; ses déviations pourront seules faire obstacle. »
 
 
Extrait du bulletin du Centre grégorien St-Pie X Zelus domus tuæ n °12 (novembre 2009)