Depuis la Révolution liturgique des années 1960, nous défendons la messe en latin. Bien sûr, il s’agit avant tout de défendre le missel promulgué par saint Pie V, mais la langue liturgique n’est pas hors de notre combat. Défendre la messe en latin, cela suppose d’aimer le latin et de le défendre, non seulement pour les parties obligées de la liturgie, mais également pour les motets et autres chants ajoutés. Voyons donc quels sont les arguments en faveur du latin dans la liturgie.

Le latin, garantie de stabilité du dogme catholique

L’Église est une tradition, c’est presque la note des notes de l’Église. Les notes d’unité et de catholicité en sont l’expression la plus évidente.

Dès le 3e siècle, l’Église généralisa l’emploi du latin dans les textes officiels, comme dans la liturgie. Lors de l’évangélisation de nouvelles contrées, elle privilégia toujours cette langue, laissant comme seule exception les pays évangélisés par les Orientaux qui apportaient leur langue liturgique. En effet, l’Église n’a admis que des langues fixes1 dans sa liturgie, c’est-à-dire des langues qui ne subissaient plus l’évolution permanente des langues populaires. Toute langue liturgique est donc une garantie de stabilité dans l’expression des dogmes parce que les expressions ne changent pas de sens selon les régions et les époques.

Mais le latin apporte une garantie supérieure parce qu’elle est la langue de Rome, la langue des documents magistériels. A contrario, on constate que toutes les Églises non-latines, ont versé, à un moment ou à un autre, dans le schisme ou l’hérésie. Bien sûr il y eut ensuite un grand mouvement d’uniatisme, de retour à Rome, qui préserva les autres langues liturgiques, mais le fait est là : seule l’Église qui parlait latin conserva toujours le dogme catholique.

On pourrait objecter que le latin est une barrière pour les convertis qui ne comprennent pas les prières chantées. Un simple sondage permet de constater qu’il n’en est rien : la plupart des convertis sont demandeurs d’une liturgie qui respire le sacré jusque dans sa langue qu’on ne comprend pas au premier abord. Les seules exceptions sont, en général, les convertis du protestantisme pour qui le changement est dur. De plus les missels avec traductions, très répandus aujourd’hui, sont un bon palliatif.

Une langue qui respire la sainteté de l’Église

Plus encore que l’universalité, le latin exprime la sainteté de l’Église. Ce point est moins évident au premier abord, mais une étude plus approfondie le manifeste aisément.

Au moment de la conquête de la Grèce par les Romains, le latin s’est enrichi des apports de la langue grecque. Certains nouveaux mots sont apparus, mais surtout, on a voulu imiter la prosodie grecque, basée sur un rythme de syllabes longues et brèves. Ceci donna un style assez artificiel.

Mais le latin chrétien, au 3e et 4e siècles, abandonna les cadres grecs au profit du rythme naturel des accents. C’est ainsi que les hymnes latines se répandirent facilement parmi le peuple. Pour donner un exemple, saint Hilaire privilégie la prosodie grecque, saint Ambroise la prosodie latine. Seules les hymnes ambrosiennes sont passées à la postérité. Mais cela ne signifie pas qu’elles soient vulgaires, au contraire, leur forme est très élégante, remplie de figures de styles qui leur donne un rythme très agréable à écouter.

En effet les compositions liturgiques se sont inspirées de la poésie hébraïque tout d’abord, caractérisée par ses parallélismes qui aident la mémoire. Dans un psaume, la première partie du verset développe une idée qui est souvent reprise ou contrastée dans la seconde partie.

À cela, elles ajoutent la versification latine ancienne, qui est aussi remplie de rimes et d’assonances. À tel point que même des textes écrits en prose, comme les sermons de saint Grégoire, de saint Ambroise de saint Léon ou de saint Augustin, contiennent ces procédés de versification. Pour donner un exemple issu des matines du 17 septembre, saint Grégoire dit : « Exctinctus quippe fuerat sævus ille persecutor ; et vivere ceperat pius prædicator2. » Non seulement le balancement rythmique est délicieux, mais encore les assonances et les parallélismes sont frappants. On dirait de la versification et c’est un simple commentaire en prose. Inutile de dire que ces textes sont intraduisibles en français, ils perdraient toute leur saveur. En effet le latin de la liturgie, outre qu’il respire l’inspiration de la Sainte-Écriture, est une langue qui aime le style figuré et qui respire une affectivité chaleureuse.

Rien d’étonnant, donc, à ce que l’Église préfère hautement le latin à tout autre exercice de style pour manifester son dogme d’une manière éclatante et qui touche les âmes, bien plus même qu’une explication imagée en langue vernaculaire.

 

Par un Père Capucin

1Nous préférons l’expression « langue fixe » à l’expression « langue morte » qui laisserait entendre que le latin n’a aucune vie et n’est pas utile dans la vie de l’Église.

2« Ce cruel persécuteur était éteint (mort) ; et le pieux prédicateur commençait à vivre. »