Après son premier fascicule de cantiques en français à l’usage des paroisses, conformes au Motu Proprio de saint Pie X pour un usage dans la liturgie, le Centre Grégorien propose un 2e fascicule des cantiques chantés à Pontmain le 17 janvier 1871. Le fascicule contient des chants latins et des chants français. En effet, le peuple chantait tout aussi volontiers des cantiques français ou latin dans les exercices de piété, même pour les enfants. Nous avons omis le Salve Regina, le Magnificat et les Litanies de la Sainte Vierge. Les témoignages disent qu’il s’agissait là de tous les cantiques que les paroissiens de Pontmain connaissaient par cœur.

L’usage du cantique populaire

La présentation du premier fascicule ne nous avait pas donné l’occasion de donner quelques rappels utiles sur l’usage du cantique populaire. En effet, les papes qui donnent les règles pour la musique liturgique, saint Pie X et Pie XII en particulier, déterminent les places respectives des différents genres de musique religieuse.

Il faut donc rappeler ici que la messe chantée peut recevoir ce nom parce que certaines parties liturgiques sont chantées (par le prêtre, les ministres, la schola ou la foule) en latin et selon les mélodies prévues par les rubriques ou les instructions de la Sacrée Congrégation des Rites, bien qu’il puisse exister quelques variantes au choix, ou qu’on admette la psalmodie ou le chant recto-tono lorsque le chantre ne peut assurer la mélodie grégorienne. Ces parties chantées sont : les oraisons, la préface, le Pater, puis l’épître et l’évangile (qui peuvent être chantés par des ministres), le kyriale et le credo ainsi que les cinq pièces du propre grégorien (introït, graduel, alleluia ou trait, offertoire, communion). Aucune de ces parties ne peut être omise ou simplement récitée, ou simplement lue en français, ou substituée par une pièce d’orgue ou un cantique. Les papes sont formels sur cette question parce que le chant grégorien doit réellement garder la première place dans chacun des offices chantés.

La seconde place revient aux polyphonies plus directement issues du chant grégorien, ce que saint Pie X appelle la polyphonie classique, c’est-à-dire jusqu’à Palestrina. On pourrait ajouter les compositions plus récentes, que loue Pie XII pour avoir retrouvé l’esprit du chant grégorien, tout particulièrement Maurice Duruflé. À cette même place, il faut également situer les motets grégoriens, compositions postérieures, mais issues du grégorien originel.

Les cantiques populaires, qu’ils soient latins ou français, prennent la dernière place, parce qu’ils s’écartent plus du chant grégorien, règle suprême du chant liturgique. Pour saint Pie X, le cantique français ne peut avoir aucune place dans la liturgie. Pour le pape Pie XII, son emploi dans la liturgie est toléré, pourvu qu’il revête les conditions données dans la présentation des cantiques Montfortains.

Les cantiques dans l’apparition de Pontmain

À Pontmain, la Vierge ne parle pas, mais à la prière et aux chants de la foule, elle répond par ses attitudes et cette banderole bien connue. Lorsque le traditionnel cantique de pénitence est chanté, la Sainte Vierge prend un air très sérieux et triste et elle porte ce crucifix rouge qu’elle penche vers les enfants. Au contraire, pendant le chant Mère de l’Espérance, elle sourit et agite les mains comme si elle jouait du piano pour accompagner le chant.

Elle n’a pas dit « chantez-moi ce cantique que j’aime bien », comme à l’Isle Bouchard, mais elle a répondu par une attitude joyeuse à ce cantique que le bon curé Guérin aimait beaucoup. Ce cantique était de circonstance pour annoncer la fin de la guerre et le départ des troupes allemandes, surtout dans son “air de Pontmain”, que nous donnons en deuxième position, dont le balancement en 6/8 exprime bien cette espérance toute simple des habitants de Pontmain.

La version 1 est plus solennelle, avec une structure très classique. Elle est plus répandue aujourd’hui.

Le cantique qui suit est tout simplement un motet grégorien. Les enfants apprenaient certainement à l’école ces hymnes et motets en l’honneur de Marie. Cette hymne date du XIe siècle, elle est donc quasiment contemporaine du grégorien ancien, et très proche dans sa facture d’autres hymnes mariales, comme le Regina Cæli, particulièrement. Le mode utilisé exprime aussi l’espérance, tandis que les paroles louent la pureté de Marie.

L’air populaire sur lequel fut chanté l’Ave Maris Stella ce soir-là s’apparente à l’air de Pontmain du premier cantique. Il sort de l’univers grégorien, mais reste cette musique simple dont parle Pie XII.

Le cantique de Pénitence apporte à Pontmain cette note triste, grave pourrait-on dire, que l’on retrouve dans les statues de Notre-Dame de Pontmain. Le Père Jacques Brydaine, au XVIIIe siècle, arrangea ce chant avec le Parce Dómine. Très belle trouvaille que d’associer un air grégorien à une musique française qui en développait le thème. C’est tout à fait dans l’esprit des demandes des papes. La mélodie pourra paraître lancinante, ce qui traduit bien les paroles de pénitence et adapte le Parce Dómine. Le rythme paraît alambiqué. Lorsqu’on écoute les Pontaminois chanter ce cantique, on constate vite qu’ils le simplifient en supprimant les doubles croches. Les enfants le chantaient tous les jours à l’école, à l’intention des soldats partis au front. Dans tous les cas, la musique est bien loin des syncopes et autres procédés inconvenants des chants modernes aujourd’hui.

Pour conclure, la Sainte Vierge, à Pontmain, nous indique bien comment prier le ciel par notre chant : du grégorien, du latin et quelques cantiques français. Sanctifions le mois de Marie de cette manière !

Par l’abbé Louis-Marie Gélineau, prêtre de la FSSPX

Voici le fascicule téléchargeable.

Voici une polyphonie sur le cantique "Mère de l'Espérance" dans son air de Pontmain. Attention, la mélodie est à la basse.